Publication du rapport AIE/RTE, vers un mix électrique français 100 % renouvelable !
En réponse à une commande du ministère de la Transition écologique, RTE et l’Agence internationale de l’énergie (AIE) ont publié un rapport sur la faisabilité technique d’un verdissement total ou massif du système électrique français à partir d’énergies renouvelables.
Publié le 27 janvier, le rapport RTE/AIE met en lumière les conditions et prérequis en matière de faisabilité technique pour un système électrique composé par une forte proportion d’énergies renouvelables à l’horizon 2050. En effet, conformément aux objectifs fixés par la feuille de route de la France pour lutter contre le changement climatique, la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC), 2050 marque une étape charnière dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Le rapport couvre quatre ensembles de conditions strictes, qui devront être remplies pour permettre, sur le plan technique et avec une sécurité d’approvisionnement assurée, l’intégration d’une proportion très élevée d’énergies renouvelables intermittentes dans un système électrique de grande échelle. Ci-dessous, les quatre conditions telles que présentées par RTE :
La stabilité du système électrique
A mesure que va croître la part des moyens de production non synchrones, comme l’éolien et le photovoltaïque, les machines tournantes seront moins nombreuses dans le système électrique. Contrairement aux centrales classiques, les parcs éoliens et les panneaux photovoltaïques sont reliés au réseau par des convertisseurs de puissance. Or les technologies actuelles des onduleurs ne contribuent pas à l’inertie et ne peuvent participer pleinement à la stabilité du système. Pour accompagner l’augmentation de la part des EnR, la première étape consistera à mettre au point un nouveau mode d’exploitation des convertisseurs lorsque ceux-ci deviennent majoritaires sur le système. Ces services de réglage rapide de fréquence peuvent être fournis par des convertisseurs spécifiques qui permettent un ajustement très rapide de la production renouvelable à un écart du signal de fréquence, par exemple en augmentant temporairement la puissance fournie, ce qui contribue à rétablir la fréquence du système. Toutefois, ces matériels ne sont plus suffisants lorsque la parte instantanée du photovoltaïque et de l’éolien devient très élevée, par exemple supérieure à 60-80 % à l’échelle de la zone synchrone. Pour aller plus loin, le déploiement de compensateurs synchrones pourrait être une solution. Le développement de contrôles « grid-forming » pour les convertisseurs de puissance, qui donneraient aux centrales éoliennes et photovoltaïques la capacité de générer leur propre onde de tension, est également une option. Les enjeux associés ne sont pas seulement techniques. Les instruments réglementaires choisis pour déployer ces technologies et l’attribution de la responsabilité de la fourniture de ces services doivent ainsi également être examinés à la lumière des cadres institutionnels français et européens actuels.
Mettre en adéquation les ressources pour garantir la flexibilité des besoins
A compter de 2035, il ne sera plus possible de poursuivre l’augmentation de la part des EnR sans développer la flexibilité de manière très significative.
RTE rapporte que le développement de l’éolien et de l’énergie photovoltaïque prévu dans les dix prochaines années en France dans le cadre de la PPE « pouvait être réalisé en s’appuyant sur les centrales pilotables existantes et en projet (en France et dans les pays voisins) ainsi que par un développement raisonnable de la flexibilité de la demande. A compter de 2035, cependant, il ne sera plus possible de poursuivre l’augmentation de la part des ENR sans développer la flexibilité de manière très significative ».
C’est pourquoi, viser un système reposant très majoritairement sur les EnR implique de développer quatre types de flexibilité. Plusieurs scénarios ont d’ores-et-déjà été évoqués dans l’étude tels que le développement de nouvelles unités de pointe pilotables, des installations de stockage dédiées à grande échelle telles que les batteries, l’installations de production et de stockage de combustibles de synthèse – tels que l’hydrogène, ou encore une amélioration des réseaux électriques qui seraient plus développés et interconnectés via une intégration spatiale à grande échelle. Ils permettront d’atténuer les conséquences des variations locales et de faciliter l’accès à un gisement plus important de sources de flexibilité.
Des réserves opérationnelles d’équilibrage
Le dimensionnement des réserves opérationnelles et des marges qui servent à l’équilibrage de court-terme se posera notamment avec un mix à fort taux de photovoltaïque et dans le cas où l’observabilité de la production de cette énergie ne serait pas améliorée. Des travaux sont déjà en cours pour optimiser les processus d’équilibrage au niveau international. Au cours des dix prochaines années, des améliorations réglementaires seront nécessaires pour tenir compte de l’évolution du mix énergétique. Celles-ci devraient permettre de recourir à la flexibilité des parcs éoliens, des panneaux photovoltaïques et des véhicules électriques, et d’établir les exigences s’appliquant aux nouveaux parcs ainsi qu’aux parcs rénovés pour garantir que le système électrique dispose d’une capacité de réserve suffisante.
Un développement accru des réseaux électriques
Au-delà de 2030, une extension, un renforcement et une restructuration en profondeur du réseau seront nécessaires pour atteindre des parts élevées d’EnR. Le réseau en mer et les interconnexions avec les pays voisins devront, pour leur part, être largement étendus. Cela permettrait, d’une part, d’intégrer la production éolienne offshore à son plein potentiel. Les éoliennes éloignées des côtes nécessitent en effet la planification d’un réseau public de transport offshore coordonné, éventuellement relié aux sites des centrales nucléaires déclassées. D’autre part, l’extension du réseau de transport d’électricité devrait également accroître sensiblement la capacité d’échange à travers l’Europe par la mise en service de nouvelles interconnexions transfrontalières (ouest-est et nord-sud).
Cette étude sera complétée ultérieurement par une analyse, réalisée par RTE, de 8 scénarios électriques de long terme, intégrant les impacts économiques, sociaux et environnementaux de chacun d’entre eux. Cette analyse se fera dans le contexte de la préparation de son bilan prévisionnel de l’équilibre offre / demande en électricité en 2050, dont la publication est prévue à l’automne 2021. Ces scénarios intégreront des parts variables de nouveau nucléaire et d’énergies renouvelables pouvant aller jusqu’à 100 % d’énergies renouvelables. Cette analyse permettra notamment d’éclairer les choix que le Gouvernement aura à faire autour de 2023 sur le mix électrique au-delà de 2035.